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Vinciane Martin (Shift project) : « Les salarié·es doivent être acteur·rices et faire remonter les attentes et les besoins de formation »

Vinciane Martin coordonne le programme du Shift Project sur les enjeux d’emploi et de formation dans le cadre de la transition écologique et sociale. Son engagement n’est pas nouveau : au cours de ses études à HEC, elle a fait partie des membres fondateur·ices du collectif Pour un Réveil écologique.


Portrait de Vinciane Martin
Vinciane Martin

Les équipes du Shift Project aiment les plans et les études. Et lorsque l’on souhaite penser une transition globale et structurelle de la société, forcément cela passe par en mener sur la question de l’emploi et de la formation.

En tant que coordinatrice Emploi et Formation Vinciane Martin est au cœur de ces études. Elle a ainsi coordonnée l’étude « Former les actifs pour la transition écologique » en mars 2025 et est co-autrice du rapport « L’emploi : moteur de la transformation bas carbone » datant de décembre 2021 dans le cadre du Plan de transformation de l’économie française.

Nous croyons beaucoup à la puissance des salarié·es pour impulser la transition. Pourquoi est-ce primordial de partir de l’emploi pour penser la transition ?


Au Shift Project, nous partons des besoins de la décarbonation. Il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique et s'affranchir des énergies fossiles, parce que ce sont des ressources finies qu'on ne produit globalement pas ou très peu en Europe.

Et, pour répondre à ça, il faut des grandes transformations de nos activités, de nos systèmes de production et donc de la manière dont nos entreprises fonctionnent.

« Pour tous les métiers, il faudra de nouvelles compétences pour changer les pratiques.»

L’emploi doit évoluer selon les secteurs, avec certains qui vont se contracter et d’autres qui vont recruter. Mais pour tous les métiers, il faudra de nouvelles compétences pour changer les pratiques. Sans mettre en branle tout l’appareil de formation et d'évolution des métiers, on ne pourra pas mener la transition.

Dans l’introduction, vous dites : « Et si on a moins d’énergie, il nous faut…plus de compétences, individuelles et collectives. » Concrètement, comment remplacer les apports énergétiques par des apports de nouvelles compétences ?

Dans notre étude « Former les actifs pour la transition écologique » sortie en mars, nous avons observé des besoins d'évolution de compétences très variés et dans tous les métiers.

On identifie trois étages dans les compétences à développer :

  • Les compétences métiers, spécifiques à la transition écologique. Elles peuvent être des compétences techniques : par exemple dans le bâtiment un chef de chantier doit savoir introduire des matériaux biosourcés ;
  • Les compétences transverses qui ne sont pas spécifiques à la transition mais nécessaires à celle-ci, avec par exemple l'accompagnement du changement, ou la co-construction des solutions avec différents types d'acteurs ;
  • Les besoins d’acculturation pour comprendre pourquoi la société doit se transformer, pourquoi il faut mener la transition écologique et qu'est-ce que ça veut dire dans son secteur.

Et si toutes ces compétences ne sont pas présentes, cela veut dire qu'on ne pourra pas mettre en place tout ce qu'il faut pour décarboner.

Sur ces compétences, vos rapports évoquent que la question de la formation est cruciale…

La première chose à dire est que de nombreuses formations évoluent et se mettent en place pour accompagner cette transformation, mais ce n’est pas encore à la hauteur. Trop souvent, ces outils, comme par exemple les fresques, s’arrêtent à la sensibilisation. C’est une étape très importante, mais elle ne peut pas suffire à changer les pratiques professionnelles.

Un premier frein est la capacité à identifier les besoins en compétences. Ces dernières années, des études émergent sur l’évolution des métiers, mais elles ne touchent pas encore le terrain. Souvent, les personnes qui travaillent dans des organismes de formation ou dans les entreprises, ne se les approprient pas et ainsi les compétences à développer sont mal identifiées.

Seulement 37 % d’acheteurs de formation mettent en place des formations métiers

Un autre frein qu'on a identifié est l’écart entre le niveau de conscience des salarié·es que leur métier doivent évoluer et la traduction effective en demande de formation. Dans le même temps, sur le CPF, le compte personnel de formation, il y a une toute petite minorité des formations qui sont dédiées à la transition écologique.

On a mené une consultation auprès d’acheteur·euses de formation, et ce même écart se retrouve : 72 % identifiaient que la transition écologique aurait un impact important sur les ressources humaines, mais seulement 37 % d’entres eux·elles avaient mis en place des formations métiers (à distinguer de la sensibilisation et des compétences transverses).

Comment expliquer cet écart ?

De manière non exhaustive, ça peut s'expliquer par un certain court-termisme et une difficulté à développer des compétences sur le long terme.

De plus, parmi les acheteur·euses de formation, seul·es 28 % identifiaient des compétences sur les trois niveaux (métier, transverse, acculturation). Donc il y a sans doute aussi un déficit d'identification, et de vision globale des compétences dont nous allons avoir besoin.

Quel est le poids des salarié·es au sein de leurs organisations pour influer sur les changements nécessaires ?


Les salarié·es doivent être acteur·rices et faire remonter les attentes et les besoins de formation sur ces sujets, pour mener la transition écologique dans leur métier.

« Des personnes dans de nombreuses organisations se saisissent de ces sujets. Nous voyons bien que leur volontarisme produit des effets. »

De manières éparses, des personnes dans de nombreuses organisations se saisissent de ces sujets. Nous voyons bien que leur volontarisme produit des effets, et ensuite, pour nous, ce qui est important, c'est que tout l'écosystème s'empare plus largement de ces sujets.

Et les instances collectives ?

À une échelle plus collective, les CSE ont cette compétence de travailler sur les gestions prévisionnelles des emplois et des compétences, et ils ont aussi depuis quelques années des compétences sur l'environnement.

Ils peuvent demander à ce qu'il y ait un axe sur les besoins de compétences pour la transition écologique dans ces plans de gestion. L'environnement, la formation et la transition écologique ne sont pas assez des sujets de négociation au sein des CSE, alors que ça pourrait l’être. C’est un espace où faire émerger ces sujets.

Au Shift, on porte des recommandations pour que les acteur·rices du dialogue social, syndicats et représentant·es des employeurs, s'emparent davantage de ces enjeux de transition écologique, en se formant et en formant leurs adhérent·es, en travaillant pour mieux identifier les compétences, etc.

Comment passer de ces initiatives à quelque chose de plus structurel ?

De manière très globale toutes les catégories d'acteur·rice doivent s'emparer de ce sujet de manière coordonnée.

Il faut aussi que les acteur·rices des territoires, les acteur·rices régionaux, les acteur·rices économiques des bases d'emploi s'emparent de ces sujets. Les acteur·rices de l'orientation, de l'APEC, France Travail, doivent travailler aussi à mieux orienter vers des métiers d'avenir de la transition écologique.

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